mardi 27 mars 2007

Les Bidasses en Folie



« L'ascenseur social qui est au coeur des discours français que nous décrivons n'est pas en panne mais il descend avec les conséquences que nous connaissons année après année. Une inversion de sens et le sens dont il est porteur va à l'encontre du pacte républicain »
Le descenseur social, Philippe Guibert, Plon 2006

Les français consomment.
Les Allemands exportent.
Les Nordiques se forment, inventent, innovent, exportent.

En économie du savoir, la France décroche inlassablement s'enfonçant années après année dans les profondeurs des classements mondiaux.
Chômage de masse - Pauvreté endémique - Manque d'innovation - Faibles exportations - PME et TPE naines et peu soutenues - Banques ne prétant qu'aux riches ou aux grandes entreprises - Universités sans moyens - Matière grise déprimée et intellos insultés obligés de faire des petits boulots - Mac Donaldisation et smicardisation - Néotaylorisme - Verrouillage et reproduction des élites fondé sur le culte de l'appartenance plutôt que celui de l'excellence et des réelles performances tel un airbus qui ne décolle pas.


Croyez vous un seul instant comme le suggèrent certains du microcosme que les français seraient condamnés à vouer un culte admiratif à la médiocrité, à la niaiserie et au crétinisme ?

Ils raffoleraient des spectacles télévisuels frelatés, des magazines de caniveau, des people passant leurs temps à se congratuler ; de cette société du spectacle insipide s'auto célébrant dans sa médiocrité avec le Steevy remerciant mécaniquement Fogiel d'avoir invité Doc Gyneco sur leurs plateaux à lire des sms et à s'écouter parler nous racontant leurs soirées de promotion.

Peut-être que Les citoyens aspirent à autre chose qu'à être des consommateurs passifs tous justes bons à regarder comme des légumes décérébrés des programmes tv niais ou à lire des magazines de people en ouvrant des canettes de coca cola ?

Que leurs enfants disposent des mêmes chances à l'école, un meilleur accès à la formation permanente, du travail autre que précaire et payé à grands coups de lance-pierre, une justice digne de ce nom, des logements pas des poubelles au fin fond de la périphérie, dans la rue ou sous les ponts, des politiciens qui stoppent leurs promesses faramineuses et arrêtent leurs relations incestueuses, verrouillant, et cumulant mandats électifs, pouvoirs et fonctions.

Bref, ils veulent que leurs "élites" issues des mêmes moules grisâtres cessent leur médiocrité, leurs piètres résultats économiques et sociaux illustrant à merveille leur vacuité. Les récents votes confirment d'ailleurs que les citoyens français désabusés souhaitent renouveler toutes leurs "élites".

samedi 24 mars 2007

Dupont Lajoie



Nous voilà donc dans l'ère de Dupont Lajoie.

Des années d'évolution pour en arriver là. Pensez donc.

Entre la pensée caca-pouêt-pouêt déversée à haute dose sur les écrans de télé et le rot bien gras jusqu'à la couenne des fins de repas trop arrosés ou les blagues fétides et malsaines se veulent seules pensées et seule subversion, la pensée s'avachit dans ses vieilles charentaises, ces malodorantes charentaises qu'on répugne cependant à porter quand on sort ; elle s'y répand et s'y étire avec le soulagement et la béatitude d'une pensée crapuleuse libérée du carcan de l'exigence.

Voici à quoi doit ressembler le visage de cette fameuse "identité nationale" celle qui obsède depuis des années jusqu'à la nausée nos Le Pen, De Villiers, Sarkozy. On sait ce qu'il advint en ce pays lorsque le faciès des citoyens fut sans cesse contrôlé.

vendredi 23 mars 2007

Tête de Turc



Images de Guenter Wallraff (www.guenter-wallraff.com) Journaliste allemand. Il y a quelques années, il a mené clandestinement la vie d’un travailleur immigré, « ganz unten » (Tout en bas) démasquant la xénophobie ambiante - c’est le titre allemand de son livre-reportage « Tête de turc » dans la version française.


France. Interim. En quète d'un travail. Tel est le lot du plus grand nombre. Je croise une meute bien encadrée : "on veut travailler le Dimaaaaaanche". Le chef leur fait discrètement signe de continuer à crier : "on veut travailler le Dimaaaaaanche". Précarité quand tu les tiens.

Ainsi va la France.

Un entretien. Encore. Inutile. Il a un regard si faux cul. IL me dit que j'ai un profil "trop, enfin, euh, trop, enfin, euh, trop, euh, trop..." .

Radio Courtoisie. De Villiers dit qu'il y a "trop d'arabes, de noirs, de turcs, d'étrangers, d'Europe, de plombiers polonais...'.

France info. Nicolas Sarkozy dit qu'il va créer un ministère de l'identité nationale ou l'on parlerait aux immigrés de la préférence nationale.

Radio Courtoisie. De Villiers dit que ce n'est pas assez patriotique.

Radio Corbeau. Le Pen dit que la préférence nationale sera sa première mesure.



Depuis des dizaines d'années, cette vieille et nostalgique rengaine, lustrant à jamais le buste putride du Pétain, cette France frileuse enfermée dans ses peurs, incapable d'appréhender ce monde qui vient, ne rêvant plus que de gloires dépassées et de barbelés, cette France moisie, pour reprendre la formule du génial Philipe Sollers," ELLE ÉTAIT là, elle est toujours là ; on la sent, peu à peu, remonter en surface. La France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes. Elle parle bas dans les salons, les ministères, les commissariats, les usines, à la campagne comme dans les bureaux. Elle a son catalogue de clichés qui finissent par sortir en plein jour, sa voix caractéristique. Des petites phrases arrivent, bien rancies, bien médiocres, des formules de rentier peureux se tenant au chaud d’un ressentiment borné. Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle.La France moisie a toujours détesté pêle-mêle les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l'art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes" joue à se faire peur faute de sortir de sa médiocrité.

Qu'est-il donc advenu de la folie toute gaullienne quand la plupart des faux culs, les mêmes qu'aujourd'hui, baissaient leurs frocs ? Ont-ils oublié ces bras raccourcis, ces rois du parachute en or, ces risquophiles en charentaises, ces donneurs de leçons, ces à-jamais-séniles jauchés sur leurs canapés en cuir dans leurs beaux salons, qu'il en fallait plus que du courage pour se battre à mains nues contre des tanks, ceci quand les braves gens mouillaient leurs slips couleur Vichy dénonçant, raflant et disant que tout est cuit ?

Elle a sauvé leur hypocrite face. Oh, Please : Rendez nous Lucie Aubrac !

Alors, J'ai moi aussi fait Un Dream.

Je rêve que, un jour, l’État français lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau ou leurs origines sociales mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve que, un jour, même en France où le racisme est vicieux, où certains depuis de nombreuses années ont la bouche pleine des mots "identité nationale", "préférence nationale" et "immigration", un jour, justement en France, les petits garçons et petites filles noirs, arabes, métèques, étrangers, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs.

Je fais aujourd’hui un rêve !

Q'un jour tous ces "immigrés" qui occupent souvent les sales boulots pour des salaires de merde, qui ont sauvé puis reconstruit ce pays, et qui sont sans cesse insultés et stigmatisés, se mettent tous en grève rien qu'une semaine. Et l'on verrait que ce pays tourne en partie grâce à leur courage et leur force de travail.

En attendant, on peut toujours remercier ceux qui ont démontré par A + B que la réalité en 2007 c'est déjà la stupide préférence nationale, cette niaiserie pour demagogue au bulbe aviné, lisez donc : LES DISCRIMINATIONS À RAISON DE « L’ORIGINE » DANS LES EMBAUCHES EN FRANCE.


Un grand merci ... aux jeunes comédien.ne.s et étudiant.e.s ayant assumé le rôle de testeurs dans les six villes françaises concernées par l'enquête : Anssou, Christophe, Claire, Etienne, Eva, Fatoumia, Fayçal, Fouad, Gaëlle, Ibrahima, Isabelle, Jessica, Jocelyne, Johan, Julie, Lucie, Maïté, Malik, Marion, Rodolphe, Roukia, Saoudata, Samir, Sébastien, Véronique, Vincent ... à Isabelle AUGIER, comédienne et metteur en scène, responsable de la formation aux jeux de rôles des testeurs
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lundi 12 mars 2007

Les Choristes


J'ai offert un cd de Bénabar à ma jeune cousine, une fan de pop très branchée. Je pensais lui faire plaisir... Son cobaye, sa tortue ses 3 poissons rouges, ses cactus mexicains, sa copine de classe, son chat, son chien, son lapin, son nounours, tous se sont passés la corde au cou pour en finir illico avec la vie. Bénabar et ses chansons, putain, c'est aussi dynamique qu'un long dimanche pluvieux dans une maison de retraite, sur les bords de la Loire dans les années 40. Bénabar, c'est du Pascal Sevran, en mieux fringué, sans le brushing et le dentier. Des textes travaillés parait-il comme des scénars. Surement ceux d'un téléfilm de France 2, les effets spéciaux de la bulgarie, avec Roger Hanin et Derrick dedans.


Je ne regarde jamais les Victoires de la musique. Ce festival de la chansonnette Top ringard. Diam's, jaugée trop rebelle dans ce temple bobo, c'est déjà tout dire. La chanson française a perdu les Forbans, Lorie, les chaussettes noires, Tapie mais elle a la variétoche pour salon de thé, à 13h, dans le 16ème, entre deux parts de tarte servie par Raymond B. Le pur style vieilles rengaines du Montmartre d'antan. Le style carte postale parisienne moisie qu'on avait tenté de fourguer en lousdé aux JO. Accordéon, chorégraphie de neurasthénique, longs sanglots, textes ennuyeux à raz-les- paquerettes. Non, décidément, je suis très déçu que ce ne soit pas le vigoureux Vincent Delerm qui a tout raflé. J'ai perdu mon flair légendaire.

Nombrilisme. C'est donc Bénabar, Olivia Ruiz et Grand Corps Malade, que Drucker a choisi pour aller nous représenter à l'Eurovision. Je vous conseille l'Eurovision si vous vous emmerdez. Entendre nos commentateurs de France 2 (les mêmes qu'hier) qui gueulent comme deux gros fanfarons chauvins : "oh, oh, oh, on a pas eu un seul point de la Suisse, ni des Belges, ni des Polonais, ah, oh, quels salauds". Là-bas, c'est comme pour Paris et ses JO, chaque année, la France y prend une belle branlée. Faut vraiment le faire. Et, cette année, avec les cotons tiges, ces surgelés Picard qu'ils ont sélectionnés, on va surement faire moins que Chypre, l'Albanie et le Luxembourg réunis.

samedi 10 mars 2007

Douce France


Lorsque je pense à "France", 4 lettres me viennent immédiatement à l'esprit : "ANPE".

La France, c'est le premier producteur de chômage en Europe et peut-être même au monde. Des générations entières ont grandi avec la peur du chômage. La première chose qu'on vous demande en France, ce n'est pas ce que vous aimez mais ce que vous faites. Votre métier. La France, c'est un énorme code ROME. On veut savoir si vous êtes bien casé. Si vous répondez sans rire : "euh, je suis sans emploi..." c'est mille fois pire que si vous annonciez que vous avez choppé le cancer et le H5N1 en même temps. Etre sans emploi, en France, c'est le début de la fin. Je commence par le début : ANPE. La fin : ANPE.

ANPE. Une agence créée vers les années 1900 quelque chose, par je ne sais qui, pour je ne sais quoi. Un gros bidule qui ne sert à rien. Enfin, si, faut pas exagérer : à mettre des classeurs dans des coins pour des formations bidons qui déboucheront sur des impasses et autres culs-de-sac. L'ANPE, ou l'APEC, des inventions bien françaises, des machins destinés à engloutir les deniers du public, faute de recevoir correctement le dit public, et de servir à quelque chose. Si vous voyez une grande queue devant, ce n'est pas parce-qu'une star quelconque y passe, mais tout simplement, parce-que QUEUE et ANPE, ça rime bien. Je n'ai jamais de ma vie, croyez-moi si vous le voulez, et c'est pas la volonté qui m'a manqué, reçu une seule offre de l'anpe. Dans n'importe quel job center anglais, même bourré, on vous propose un job. Ici, on vous radie.

Franchement, il n'y a qu'en France ou l'on demande à des gens qui n'ont jamais cherché d'emploi de leur vie, des très protégés, de créer un truc destiné à aider ceux qui cherchent du travail. S'il y avait une épreuve reine dans laquelle tout jeune français remporterait facile des médailles d'or à la pelle, aux Jeux Olympiques qui n'auront jamais lieu à Paris, c'est bien le lancer de cv. Un sport national. Des milliers d'heures durant, des milliers de stages durant, on apprend au jeune français, à se présenter, en lui expliquant bien ce que les entreprises françaises cherchent : le mouton à 5 pattes, qui a moins de 28 ans, 20 ans d'expériences, parle 6 langues, tape à la machine sans les mains, s'habille chez Lanvin, a le bon teint avec le profil très suédois exigé, et qui doit être aussi courtois qu'un Jean Luc Delarue. Certes, certes, il prend l'avion souvent bourré et sous Lexomil mais après tout, einh, c'est le gendre idéal. Et puis, trêve de plaisanterie, chacun sait que les tranquilisants et l'alcool, ce sont nos opiums à nous autres français. On en avale à toutes les sauces. On a donc inventé le chômage de masse. Une exception française dont on est fier. Et croyez-le ou non, mais toutes les années, depuis au moins 1900 quelque chose, des gens très sérieux qui n'ont pas de problème de travail eux, viennent à la télé, ou à la radio, nous raconter qu'ils vont résoudre notre chômage à nous. C'est notre bêtisier de chaque année à nous.

Il n'y a qu'en France qu'on claironne comme de fiers paons que "le chômage a baissé" quand il touche toujours plus de 10% de la population active. Pas même le Tony Blair, connu pour avoir un culot monstrueux, n'irait à la télé ou à la radio avec la mine satisfaite, raconter que tout va bien, le chômage est maitrisé : il est seulement à 9.6% euh... 9.8%. Personne ne sait vraiment vu que la meilleure façon qu'on a trouvé de réduire le chômage, c'est comme pour la canicule : casser puis planquer le thermomètre.

C'est tellement la honte, qu'on en rigole de la Suède en passant par l'Australie, et que même l'Insee, l'organisme officiel, ne sera pas en mesure de publier, cette année son enquête annuelle sur l'emploi.

Au passage, bien évidemment, ils en profiteront pour nous traiter de tous les noms, de fainéants, de nantis, de moins que rien. C'est de votre faute si les entreprises licencient, si elles n'embauchent pas ou si certains patrons crapuleux se barrent en cachette avec la caisse. Ne dites jamais, non jamais que vous êtes au chômage, vous perdriez ce qu'il vous reste d'amis, et, de toutes façons ne rêvez pas, des amis, si vous êtes au chômage, vous n'en aurez pas. Faut pas rêvez, sans fric, vous raserez les murs et puis, vous ne vous raserez plus tout court. Vous n'avez que ce que vous méritez : salaud de pauvre ! On vous marquera au fer rouge. On vous parquera. On vous désignera du doigt à la vindicte populaire. Si on ne vous jette plus des pierres, remerciez uniquement le progrès, nos rues sont dorénavant goudronnées.

vendredi 9 mars 2007

Sois belle et tais-toi


La journée de la femme. J'en ai vaguement parlé à Jamila et Rachida. Caissières polyvalentes chez Ed L'épicier. C'est là ou je fais mes courses. Je pensais que ça allait leur faire plaisir. Les mâles hypocrites des médias, le sourire en coin, nous parlent de journée de la femme.
- "Alors heureuses, c'est votre journée ?"
Elles m'ont balancé mon pack d'eau minérale dans la gueule.
- "Casse-toi connard ! Tu sais depuis quelle heure on est levé ? bouffon !"
La journée de la femme, elle commence tôt pour Rachida et Jamila, smicardes françaises de bac+3.

Rachida vient de l'autre bout de la banlieue parisienne, pour aller à l'autre bout de la région parisienne. 1 heure 30 de voyage splendide en RER bondé, train de banlieue bondé, et les derniers kilomètres à pieds. Même chose le soir. En France, les parisiens restent entre eux à manger des sushis, des salades vertes bio à vélo, et les banlieues restent entre banlieues. Vous voyez, vous avez compris. C'est aussi bien rangé que dans un rayon de supermarché. Chacun son monde.

Pas le temps pour ces conneries là. Jamila et Rachida, la journée de la femme, elle n'auront pas pris le temps de l'apprécier, ces ingrates. Elles sont debout depuis 5 h 30. Elles ont receptionné les commandes prises la veille au soir, rangé les rayons, bougé les palettes, nettoyé les sols, contrôlé les caisses, fait les étiquetages promotionnels arrivés hier, et le sourire au client... Tous les jours, Rachida et Jamila font tourner à elles seules un magasin ou passent des hordes de clients. Un boulot hyper hard le discount. Elles doivent aller vite, sans se tromper, tout en se faisant insulter et, tout ça, pour un salaire qui ne leur permettra pas d'espérer élever des enfants.

Robert, leur patron, il leur a dit très gentiment dans un français courtois, en 5 minutes, bien assis devant les cajettes de salades de notre belle provence : "si tu chies un mioche, j'te licencie sur le champ, si tu l'ouvres, j'te licencie sur le champ." Robert Legras, il est pas prêt d'embaucher. Quand on en a 2 qui bossent pour 6, et ceci, à 30% moins cher que des mecs, on remercie la journée de la femme tous les jours.

jeudi 8 mars 2007

Mimie Maty story


Je n'ai jamais cru aux contes de fée. La dernière fois que j'ai vu Bambi, il se faisait flinguer à bout portant par un chasseur envinassé de Chasse Pêche et Tradition. Le Père Noel, il n'est jamais passé chez nous, de toutes façons, dans nos cages à poule, à Aubervilliers, on n'avait pas la cheminée. La Fée Clochette, cette balourde, La Mytho, elle s'est barrée avec un vrp de chez Carrefour. Chantal Goya ou les Bisounours, ils ne se sont jamais fait castagner par les agents de sécurité.

Comme tous les samedis soirs, vu qu'on a pas la gueule à rentrer en boite, je me suis encore envoyé Ruquier. Il bosse toute la semaine à la télé. Sur France 2, à la radio, de partout, même le Week-End. C'est comme ça la France : ceux qui bossent plus pour gagner toujours plus, ceux qu'on voit à la télé, à l'aise Blaise, et tous les autres, ceux qui les regardent, ceux qui se font refouler.

Il avait invité Mimie Maty, la nounou d'enfer de TF1. Dans le classement des Français que préfèrent les Français publié chaque année à la même époque par le JDD, on nous raconte une étrange histoire. Noah, Zidane, Mimie Maty, Aznavour, sont classés premiers. Des enfants d'immigrés, des colorés, une femme, de petite taille, comme c'est beau. Un vrai conte de fée. On ne sait pas ou ils trouvent leur échantillon de sondés mais j'ai beau regarder, encore, et encore, j'ai jamais vu ces têtes dans les couloirs de vos boites. Dans le métro sûrement.

mercredi 7 mars 2007

On achève bien les cv


Une journée normale. Un entretien, puis un autre, et un autre, des recruteurs hypocrites, j'avais encore dû montrer patte blanche. Il parait d'ailleurs que c'est en France, que la gamme des crèmes détergeantes qui sert à blanchir la peau de Mickael Jackson s'arrache le plus. J'ai compris.

« Abdel ? Tu t’appelles Abdel ? Mon vieux, tu devrais changer de prénom, ce serait plus facile… »
« Des gens comme vous, monsieur, on n’en a pas besoin… »
« Vous êtes trop ambitieux, trop performant, ici, on aime pas ça, on préfère les médiocres, les benêts, vous ne trouverez jamais d’emploi… »

Alors, ce soir là, à peine rentré, j'ai regardé la télé. Enfoncé, dans un canapé comme ces vieux râtés selon médiamétrie. Ils étaient 100. Elle était posée en face d'eux.
Les élections ne m'intéressent pas. Rien ne changera pour Abdel, ni pour Jamel, ni pour Fatima. Diplômés et qualifiés, on devra envoyer des cv qui seront refusés.

Elle répondait à leurs questions. 100 questions, 100 râles, 100 pleurs, 100 demandes.
- "je suis handicapé ... je n'y arrive pas"
- "je suis retraitée ... je n'y arrive pas"
- "je suis petit artisan ... je n'y arrive pas"
- "je suis étudiant ... je n'y arrive pas"
- "je suis femme au foyer ... je n'y arrive pas"
- "je suis lycéen ... je n'y arrive pas"
- "je suis enseignante ... je n'y arrive pas"
- "je suis employé chez ED l'épicier ... je n'y arrive pas"
- "je suis ouvrier chez Airbus ... je n'y arrive pas"
- "je suis éboueur à la ville de paris ... je n'y arrive pas"
- "je suis infirmière ... je n'y arrive pas"
- "je suis à la chaine chez Renault ... je n'y arrive pas"
- "je suis fonctionnaire ... je n'y arrive pas"
- "je suis chasseur de bellette sandrée ... je n'y arrive pas"
- "je suis journaliste au figaro ... je n'y arrive pas"
- "je suis collecteurs de parrainages ... je n'y arrive pas"
- "je suis vert chez voynet ... je n'y arrive pas"

2 heures terribles. Je m'enfonçais question après question dans le canapé. Je touchais terre. A la fin je rampais. J'avais mal au dos et dans tout le corps. Ce pays semblait nécessiter une immense cellule psychologique. Ce panel représentatif suintait la peur de l'avenir, du présent. Il exprimait son angoisse. Il souffrait. Une spirale dépressive. On était pas sur la Harley du Johnny mais bien sur les récifs.

Le nauffrage français était là. Elle s'en sortait bien. Elle avait compris que le pays décrochait inlassablement et s'enfonçait dans les grandes profondeurs de la loose avec son cortège habituel de votes xénophobes, protestataires et son abstention record. Ce soir là, Ségolène avait battu tous les records. Ils avaient besoin d'elle pour espérer s'en sortir. Elle avait besoin d'eux.

Le lendemain. Une journée normale. Un jour comme un autre.
« Tu t’appelles Abdel ? Mon vieux, tu devrais changer de prénom, ce serait plus facile… »
« Des gens comme vous, monsieur, on n’en a pas besoin… »
« Vous êtes trop ambitieux, trop performant, ici, on aime pas ça, on préfère les médiocres, les benêts, vous ne trouverez jamais d’emploi… »

Un entretien, puis un autre, et un autre, des recruteurs hypocrites, j'avais encore et encore dû montrer patte blanche. C'est d'ailleurs en France, que la gamme des crèmes détergeantes qui sert à blanchir la peau de Mickael Jackson s'arrache le plus. J'ai compris.

mardi 6 mars 2007

Un François qui parle aux François


Pendant que le Canard s'intéresse aux immeubles de Sarkozy et de Ségolène, le petit François barbote ni à droite ni à gauche, juste au milieu. Il surfe au milieu de la vague médiatique. Il a un grand destin François, il parle à tous les françois et à toutes les françoise. L'autre soir, en direct sur TF1, Françoise, voulait que François lui montre son juste milieu, son ni-ni, ni à droite ni à gauche car elle ne le trouvait pas son point C.

François était au salon de l'agriculture. Juste au milieu des veaux, vaches, moutons, cochons, dindes, poulpes, méduses. François a un élevage familial, des animaux de la ferme. Il a même un tracteur. François et toute sa basse-cour, ça me rapelle un autre François célèbre des années de jadis. Un François célèbre qui fit la pluie, le beau temps et que les françois et françoises écoutaient. Vous savez du temps, que les moins de 20 ans des banlieues tous au chômage en France ne peuvent pas connaitre : François Lenormand. Une invention française. Celui qui chantait à l'Eurovision. Des chansons toutes tièdes avec des couplets bien simplets. Toutes molles comme la barre du Raymond. Des chansons de centriste. Ni-ni. Ni à droite ni à gauche.

Avec François, c'est enfin un avenir radieux qui s'ouvre pour les français et les françoises.
Un chômage réduit au juste milieu : ni à 9% ni à 10% au juste milieu à 9.5%
Un programme économique et social ni à droite ni à gauche ni à 30 ni 50 milliards juste au milieu à 40 milliards.
Une croissance retrouvée ni à 0% ni à 1.5% juste bien au milieu à 0.75%.
Une Europe ni à 5 ni à 10 ni à 25 mais au juste milieu à 11.
Un déficit extérieur ni à 30 ou 40 milliards juste au milieu à 35 milliards d'euros.
Une France ni à droite ni à gauche coincée entre l'Allemagne et l'Italie mais juste au milieu entre l'Atlantique et la Russie.
Pas 2 portes avions nucléaires, ni 3, ni 5, ni 6, mais le juste milieu 1.5

La France gouvernée au centre, c'est la certitude d'une France modérée, entre le oui-oui et le non-non, qui ne penche ni à droite ni à gauche, sur une terre plate peuplée de neu-neu. Le Clergé en avait rêvé. La capitale françoise ce sera au Centre, Clermont-Ferrand. Les ports de Marseille, le Havre, Dunkerque, Vitry-sur-Seine... tous à Clermont Ferrand. Les écoles, les universités ... toutes au Centre. Les aéroports aussi. Le rêve centriste, c'est un espoir pour les conducteurs modérés, et pour les hommes troncs, c'est ça la troisième voie, la Ni-Ni, ni anglaise, ni française, la voie du milieu, celle des François.

lundi 5 mars 2007

La symphonie des lâches


La xénophobie de la société française est évidente. 1 français sur 4 ne la cache plus. Regardez dans vos entreprises, dans vos assemblées, dans vos émissions de télé, dans vos soirées privées, même celle du moulin rouge 'hihihihi ça c'est Paris', le portier est noir, le refoulé est noir, et celui qui entre et s'amuse est blanc.

Le racisme de la société française est là. Toujours là. Le vigile du supermarché en France est noir et le chef de rayon est blanc. Le recruteur est blanc toujours blanc, le cv à la corbeille est noir. Depuis toujours. Vous aimez l'hypocrisie, les balivernes qui moussent et nous parquer en périphérie. Depuis toujours. Pour seul horizon la zonzon, le béton, papon et les fourgons de crs. Vous avez choisi la médiocrité, le chômage, le parquage, les naufrages. Les autres pays, la réussite et la diversité.

'Ce que j'aime dans ma névrose, c'est qu'elle m'a protégé contre les séductions républicaines. J'ai vu mes parents, et ceux de bien d'autres encore, ne jamais parvenir à s'extraire de la sordidité coloniale, celle qui perche dans les esprits. Les emplois minables, la familiarité condescendante ou les logements ghettos furent leur lot, puis le nôtre.

Les anciens, nés là-bas, l'acceptaient parce que, quelque part, ils ne croyaient pas valoir plus et que, surtout, la France leur faisait une belle faveur en les laissant s'installer chez elle. Leurs confidences n'étaient que la fable de leur assujettissement. Un mois chez Renault ou au fond de la mine valait mieux qu'un an au bled.

Puis, devant la réalité sociale et politique française, on a bien failli se faire prendre à notre tour. Avec l'école on s'est dédomestiqués. Beaucoup d'espoir, beaucoup de gâchis. Comme d'autres, j'ai appris à faire la différence entre la langue de ma mère et celle maternelle.

Nos parents avaient beaucoup perdu. Ils vivaient en regardant en arrière, vers un improbable retour au pays des racines. Une valse entre un coup de rouge et le thé à la menthe. Nous, nous flottions. Pas même adultes, déjà en voie d'extinction.

Gare aux employeurs, aux agents immobiliers, aux professeurs, à la police, aux syndicats. Gare au monde politique. On nous a tantôt caressés dans le sens du poil, tantôt montrés du doigt tels les nouveaux barbares.

Dans les villes, nous avons marché puisque, durant les années rose-au-poing, il fallut faire avancer la cause devant le public. Puis dans les villes nous avons aussi appris à désobéir, parce que c'est ainsi que l'on devient libre, paraît-il.

Dealer, imam, footballeur, apprenti écrivain captif du blues des banlieues ou bouffon sur chaîne télévisée cryptée, le cirque pouvait commencer. D'intrus nous passions presque à invités. Mais qu'était-il donc arrivé aux autres ? A la majorité, qui avaient poussé les études loin, qui travaillaient tant bien que mal, qui disaient : mon pays c'est la France ?

Comme chez un photographe où nous aurions posé pour l'éternité, on nous disait : ne respirez plus. Le bien-fondé de cette conscience hexagonale ne résidait-il pas dans la candide vérité qu'il était de notre ressort de nous intégrer ? Voilà le grand mot lâché. Le latin nous dit qu'intégrer, c'est rendre complet. Nous étions donc des moitiés de citoyens, de la camelote républicaine. Nous figurions partout à la fois le sentiment refoulé d'un colonialisme à rebours.

Nous avons tout tenté pour désamorcer le mythe universaliste. C'était, disait-on, notre culture qui faisait barrage. Mais les cultures asiatiques en France demeurent à ce jour impénétrables sans que cette réalité soit un obstacle à l'intégration des Vietnamiens ou des Chinois. Non, à vrai dire, c'était la langue. Mais la nôtre n'était-elle pas celle de l'école publique ? Peut-être que nos parents parlaient avec un fort accent et une sale habitude de triturer la langue de Molière. Pourtant, les devanciers de l'immigration ibérique ne parlent pas mieux le français.

La vérité est plus lointaine et plus simple. Le lieu obscur, ce fossé qui nous séparait à jamais de la "doulce France", se signalait dans la religion. Un dialogue séculaire de sourds, entre les croisés et le Levant, entre Venise et le Grand Turc, ou entre la métropole et l'Algérie française, se vivait jusqu'à l'extrême depuis que l'islam s'était définitivement établi dans l'Hexagone, et ce à travers notre existence même.

Devant tant d'Ahmed et de Djamila, devant ces égorgeurs de moutons, et ces voileurs de femmes, les fantasmes autrefois larvés et latents pouvaient donner lieu à des récriminations culturelles qui masquaient mal les penchants xénophobes et ignorants.

La laïcité républicaine, ce monstre raté par la nature, retrouvait toutes ses forces. Ne savaient-ils donc pas que l'islam du Maghreb était des plus tolérants en cela même que, longtemps, il avait été coupé des courants idéologiques du Moyen-Orient ? Il restait toujours cette impossibilité foncière de nous prendre au sérieux, de convenir que nous faisions partie de la solution, pas du problème.

Dans son refus de compromettre sa précieuse pensée humaniste, déjà dépassée par la modernité postcoloniale et mondialisante, la France s'était mise elle-même sur la touche, préférant jouer de l'arbitraire et de la stigmatisation. Ainsi, les "lois Pasqua" marquèrent du sceau de l'infamie une République donneuse de leçons.

Optant pour l'exclusion plutôt que la reconnaissance, la France laissa l'islam s'éclipser dans des caves et autres maisons désaffectées qui servirent de lieux de culte des décennies durant. Plus navrant encore, l'exemple de Marseille, qui abrite une des plus vieilles et importantes communautés musulmanes de France et, pourtant, ne possède toujours pas de mosquée digne de ce nom.

En nous attachant à des rites et modes culturels différents de ceux enseignés au catéchisme, nous devenions une imposture. Pire, le visage de l'ingratitude. Refuser un casse-croûte au jambon de pays passe encore, mais venir parler de prières et de foulards, alors là, pas question !

On peut convenir que le cycle de violence qui a frappé l'Algérie dans les années 1990 a eu un effet pervers sur une frange de la communauté musulmane de France. Mais pour quelle raison, nous, enfants d'immigrés, serions-nous comptables des excès d'illuminés qui pensaient que le chemin du paradis passait par Kandahar ? De même, pourquoi la France et l'Union européenne accréditeraient-elles la junte militaire algérienne, et ses deux assises institutionnelles que sont la répression et la corruption ? En ne cessant de se compromettre, le Maghreb (le Maroc dans une pauvreté chronique, l'Algérie dans la guerre civile, et la Tunisie dans un Etat policier) renvoyait constamment à l'ancienne puissance coloniale l'équivalent symbolique d'un "Arabe" inapte à l'accomplissement démocratique, au succès socio-économique.

Dans ce tour de passe-passe, nous devenions l'incarnation d'une défaillance culturelle. Nous avions besoin du regard des autres pour nous assurer d'être. Tout allait bien tant qu'on existait par rapport à quelqu'un d'autre. L'archaïsme républicain paternaliste prenait un coup de jeune. Pas d'apaisement ni de dialogue. La réponse fut et continue d'être le mépris et la diabolisation.

Pour restituer au discours colonial son efficacité, réapparaît, par exemple, l'artifice qui consiste à nommer secrétaire d'Etat une personne d'origine maghrébine. C'est la revanche des béni-oui-oui qui amène les Français maghrébins à se contester eux-mêmes, tout en permettant au système de se disculper. Un peu comme le ministre de la justice américain qui, dans les années 1950, désigne un juge juif pour faire condamner à mort les Rosenberg. L'Etat trouve sa vérité dans l'élaboration de ses mensonges. Après tout, ne sommes-nous pas étiquetés "classe dangereuse" par une partie de la droite et par les médias ? Tantôt prédisposés au petit banditisme, tantôt porte-parole d'un radicalisme musulman, ou parfois même apôtres propalestiniens ?

Dans cette comédie, reste à se demander : en quoi des jeunes filles qui portent le foulard islamique menacent-elles l'ordre républicain et démocratique ? Ne disent-elles pas par leur entêtement à aller en classe qu'elles veulent s'intégrer ? Ne disent-elles pas par leurs bonnes performances scolaires qu'elles veulent être les cadres de demain dans une France multiculturelle ?

La laïcité, c'est avant tout la neutralité. C'est l'Etat qui dit : croyez ou non, mais n'empiétez pas sur mon espace politique. Or, tous ces Français qui pratiquent une religion ou une autre sont radicalement coupés de toute activité politique. Il n'y a pas en France, contrairement à l'Iran ou Israël par exemple, de parti religieux au sein du gouvernement ou sur les bancs de l'Assemblée nationale. J'ajouterai même que, pour se garder des dérapages intégristes, il faut que cette République française demeure indifférente à l'appréciation d'un groupe particulier. En religion, comme dans d'autres sphères, la persécution fait le lit des extrémismes.

Je me demande si, en fin de compte, l'alternative ne se résume pas pour nous à être des brûleurs de voitures ou des fanatiques religieux. Après avoir nié notre passé, avoir tenté de gâcher notre présent, il s'agirait donc de nous enfermer dans la délinquance ou bien dans l'internationale anti-Occident.

Sentant se restreindre sa faible marge de contrôle sur ces nouveaux Français que nous sommes, la France réclame de nous quelque chose qu'elle n'a jamais exigé d'aucun groupe issu de l'immigration : un serment d'allégeance. Qu'est-il donc advenu de la liberté de conscience et de confession ? La France joue ainsi tout ensemble son rôle de terre des droits de l'homme et son drame réel de république laïque intégriste.

Dans tous les cas de figure, nous sommes avilis, comme le furent nos parents pour des raisons différentes. Eux parce qu'ils sont nés dans la colonisation, nous parce que nous refusons le joug monoculturel, le dogme de l'uniformité. PDG, hauts fonctionnaires, avocats, ingénieurs, ou autres, nous apprenons à nous donner tort sans nous reconnaître fautifs. Certains poussent la haine de soi jusqu'à aller changer de nom, celui de leurs ancêtres. Sujets schizophrènes qui cherchent leur place dans la vie sociale et en même temps s'en excluent pour ne pas risquer d'être jugés par elle.

L'intégration, pour nous Français d'origine maghrébine, c'est le théâtre de la trahison.

J'ai mis bas les masques en débarquant sur un autre continent. Dans les rues de New York, l'imposture identitaire est des plus inagissantes. Ici, je ne suis pas un ambassadeur de la France ni d'un pays du Maghreb. Mon ultime façon de jouer sur les deux tableaux est de tout effacer. De me dire qu'enfin je ne compte plus pour du beur.

La réalité pour le citoyen immigré que je suis devenu s'éprouve aussi par ce qui se voit avant de se reconnaître. Force est d'admettre que, de ce côté-ci de l'Atlantique, la France ressemble à une vieille dame, bien au chaud dans l'Union européenne, qui, faute d'ennemis déclarés, s'amuse à s'effrayer de ses propres citoyens : nous. Ou plutôt : eux.

Moi, j'ai opté pour les Etats-Unis. C'est émouvant de savoir que l'on vous offre une seconde chance sans que vous ayez à montrer patte blanche. Ni mon nom ni ma pratique religieuse ou mon origine ethnique ne se mettent en travers de mon chemin. La police me laisse en paix parce qu'ici l'identité est incontrôlable. Mes amis ne se croient jamais obligés de partager une bonne blague arabe avec moi.

Sans doute la dispersion marque-t-elle pour moi, et d'autres encore qui ont fait le choix de quitter la France, le moment où l'on s'approche le plus facilement de ce que l'on a rêvé être. Le déracinement siège au fond de mon mythe, direz-vous. C'est faux. J'étais déjà américain quand un de mes ancêtres quitta son village aux portes du Sahara, laissant derrière lui un monde sans possibilités.

Aujourd'hui, s'il y a constamment des choses à remettre en question, elles sont moins décisives, moins déchirantes, que de subir le jugement de plus de cinq millions de mes ex-compatriotes qui, lors de la dernière élection présidentielle, m'ont dit, en votant pour le candidat d'extrême droite, qu'ils ne voudraient jamais de moi. Comment cela arrive-t-il ? Disons que cela est arrivé.'

Farid Laroussi enseigne la littérature française contemporaine et la littérature francophone du Maghreb à l'université Yale classée dans le top 5 des 500 meilleures universités dans le monde depuis 1999.