vendredi 23 mars 2007

Tête de Turc



Images de Guenter Wallraff (www.guenter-wallraff.com) Journaliste allemand. Il y a quelques années, il a mené clandestinement la vie d’un travailleur immigré, « ganz unten » (Tout en bas) démasquant la xénophobie ambiante - c’est le titre allemand de son livre-reportage « Tête de turc » dans la version française.


France. Interim. En quète d'un travail. Tel est le lot du plus grand nombre. Je croise une meute bien encadrée : "on veut travailler le Dimaaaaaanche". Le chef leur fait discrètement signe de continuer à crier : "on veut travailler le Dimaaaaaanche". Précarité quand tu les tiens.

Ainsi va la France.

Un entretien. Encore. Inutile. Il a un regard si faux cul. IL me dit que j'ai un profil "trop, enfin, euh, trop, enfin, euh, trop, euh, trop..." .

Radio Courtoisie. De Villiers dit qu'il y a "trop d'arabes, de noirs, de turcs, d'étrangers, d'Europe, de plombiers polonais...'.

France info. Nicolas Sarkozy dit qu'il va créer un ministère de l'identité nationale ou l'on parlerait aux immigrés de la préférence nationale.

Radio Courtoisie. De Villiers dit que ce n'est pas assez patriotique.

Radio Corbeau. Le Pen dit que la préférence nationale sera sa première mesure.



Depuis des dizaines d'années, cette vieille et nostalgique rengaine, lustrant à jamais le buste putride du Pétain, cette France frileuse enfermée dans ses peurs, incapable d'appréhender ce monde qui vient, ne rêvant plus que de gloires dépassées et de barbelés, cette France moisie, pour reprendre la formule du génial Philipe Sollers," ELLE ÉTAIT là, elle est toujours là ; on la sent, peu à peu, remonter en surface. La France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes. Elle parle bas dans les salons, les ministères, les commissariats, les usines, à la campagne comme dans les bureaux. Elle a son catalogue de clichés qui finissent par sortir en plein jour, sa voix caractéristique. Des petites phrases arrivent, bien rancies, bien médiocres, des formules de rentier peureux se tenant au chaud d’un ressentiment borné. Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle.La France moisie a toujours détesté pêle-mêle les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l'art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes" joue à se faire peur faute de sortir de sa médiocrité.

Qu'est-il donc advenu de la folie toute gaullienne quand la plupart des faux culs, les mêmes qu'aujourd'hui, baissaient leurs frocs ? Ont-ils oublié ces bras raccourcis, ces rois du parachute en or, ces risquophiles en charentaises, ces donneurs de leçons, ces à-jamais-séniles jauchés sur leurs canapés en cuir dans leurs beaux salons, qu'il en fallait plus que du courage pour se battre à mains nues contre des tanks, ceci quand les braves gens mouillaient leurs slips couleur Vichy dénonçant, raflant et disant que tout est cuit ?

Elle a sauvé leur hypocrite face. Oh, Please : Rendez nous Lucie Aubrac !

Alors, J'ai moi aussi fait Un Dream.

Je rêve que, un jour, l’État français lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau ou leurs origines sociales mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve que, un jour, même en France où le racisme est vicieux, où certains depuis de nombreuses années ont la bouche pleine des mots "identité nationale", "préférence nationale" et "immigration", un jour, justement en France, les petits garçons et petites filles noirs, arabes, métèques, étrangers, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs.

Je fais aujourd’hui un rêve !

Q'un jour tous ces "immigrés" qui occupent souvent les sales boulots pour des salaires de merde, qui ont sauvé puis reconstruit ce pays, et qui sont sans cesse insultés et stigmatisés, se mettent tous en grève rien qu'une semaine. Et l'on verrait que ce pays tourne en partie grâce à leur courage et leur force de travail.

En attendant, on peut toujours remercier ceux qui ont démontré par A + B que la réalité en 2007 c'est déjà la stupide préférence nationale, cette niaiserie pour demagogue au bulbe aviné, lisez donc : LES DISCRIMINATIONS À RAISON DE « L’ORIGINE » DANS LES EMBAUCHES EN FRANCE.


Un grand merci ... aux jeunes comédien.ne.s et étudiant.e.s ayant assumé le rôle de testeurs dans les six villes françaises concernées par l'enquête : Anssou, Christophe, Claire, Etienne, Eva, Fatoumia, Fayçal, Fouad, Gaëlle, Ibrahima, Isabelle, Jessica, Jocelyne, Johan, Julie, Lucie, Maïté, Malik, Marion, Rodolphe, Roukia, Saoudata, Samir, Sébastien, Véronique, Vincent ... à Isabelle AUGIER, comédienne et metteur en scène, responsable de la formation aux jeux de rôles des testeurs
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1 commentaire:

Mathieu a dit…

Ta parole est d'or