vendredi 9 mars 2007

Sois belle et tais-toi


La journée de la femme. J'en ai vaguement parlé à Jamila et Rachida. Caissières polyvalentes chez Ed L'épicier. C'est là ou je fais mes courses. Je pensais que ça allait leur faire plaisir. Les mâles hypocrites des médias, le sourire en coin, nous parlent de journée de la femme.
- "Alors heureuses, c'est votre journée ?"
Elles m'ont balancé mon pack d'eau minérale dans la gueule.
- "Casse-toi connard ! Tu sais depuis quelle heure on est levé ? bouffon !"
La journée de la femme, elle commence tôt pour Rachida et Jamila, smicardes françaises de bac+3.

Rachida vient de l'autre bout de la banlieue parisienne, pour aller à l'autre bout de la région parisienne. 1 heure 30 de voyage splendide en RER bondé, train de banlieue bondé, et les derniers kilomètres à pieds. Même chose le soir. En France, les parisiens restent entre eux à manger des sushis, des salades vertes bio à vélo, et les banlieues restent entre banlieues. Vous voyez, vous avez compris. C'est aussi bien rangé que dans un rayon de supermarché. Chacun son monde.

Pas le temps pour ces conneries là. Jamila et Rachida, la journée de la femme, elle n'auront pas pris le temps de l'apprécier, ces ingrates. Elles sont debout depuis 5 h 30. Elles ont receptionné les commandes prises la veille au soir, rangé les rayons, bougé les palettes, nettoyé les sols, contrôlé les caisses, fait les étiquetages promotionnels arrivés hier, et le sourire au client... Tous les jours, Rachida et Jamila font tourner à elles seules un magasin ou passent des hordes de clients. Un boulot hyper hard le discount. Elles doivent aller vite, sans se tromper, tout en se faisant insulter et, tout ça, pour un salaire qui ne leur permettra pas d'espérer élever des enfants.

Robert, leur patron, il leur a dit très gentiment dans un français courtois, en 5 minutes, bien assis devant les cajettes de salades de notre belle provence : "si tu chies un mioche, j'te licencie sur le champ, si tu l'ouvres, j'te licencie sur le champ." Robert Legras, il est pas prêt d'embaucher. Quand on en a 2 qui bossent pour 6, et ceci, à 30% moins cher que des mecs, on remercie la journée de la femme tous les jours.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

voilà bien un constat sur lequel je n'ai jamais eu le moindre doute. Le libéralisme moderne sait reconnaitre la fragilité quand elle croise son chemin. Ainsi, la position précaire d'une femme qu'on stigamtise tantôt, pour ses origines, mais qu'on sait très bien exploiter parce qu'elle n'a aucun moyen de se défendre. Il y a dans ce texte tout le paradoxe dont tu sais parfaitement manier les subtilités, et qui constitue le préambule de ce blog qui me semble avoir( et c'est assez rare), quelque chose d'important à dire. La direction nationale d'une chaine de supermarché ne tolererait guère la diversité chromatique dans ses bureaux, mais elle a parfaitement compris l'avantage qu'elle peut tirer de tenir par la corde au cou des milliers d'employées sous payés, qui bossent comme des chameaux sous ses ordres, à l'oeil voire au doigt, et à qui on peut à la rigueur dire bonjour le matin, sans toutefois aller jusqu'à les respecter.

Anonyme a dit…

Bonjour G,

certainement, les chroniques d'une vie française... A bientôt.

Anonyme a dit…

Je ne vois pas en quoi se conduire comme un salaud serait libéral..

Et si il y avait plus de libéralisme en France, il y aurait plus de boulots, donc plus de possibilitées de claquer la porte à un patron connard pour aller trouver mieux..