mercredi 7 mars 2007

On achève bien les cv


Une journée normale. Un entretien, puis un autre, et un autre, des recruteurs hypocrites, j'avais encore dû montrer patte blanche. Il parait d'ailleurs que c'est en France, que la gamme des crèmes détergeantes qui sert à blanchir la peau de Mickael Jackson s'arrache le plus. J'ai compris.

« Abdel ? Tu t’appelles Abdel ? Mon vieux, tu devrais changer de prénom, ce serait plus facile… »
« Des gens comme vous, monsieur, on n’en a pas besoin… »
« Vous êtes trop ambitieux, trop performant, ici, on aime pas ça, on préfère les médiocres, les benêts, vous ne trouverez jamais d’emploi… »

Alors, ce soir là, à peine rentré, j'ai regardé la télé. Enfoncé, dans un canapé comme ces vieux râtés selon médiamétrie. Ils étaient 100. Elle était posée en face d'eux.
Les élections ne m'intéressent pas. Rien ne changera pour Abdel, ni pour Jamel, ni pour Fatima. Diplômés et qualifiés, on devra envoyer des cv qui seront refusés.

Elle répondait à leurs questions. 100 questions, 100 râles, 100 pleurs, 100 demandes.
- "je suis handicapé ... je n'y arrive pas"
- "je suis retraitée ... je n'y arrive pas"
- "je suis petit artisan ... je n'y arrive pas"
- "je suis étudiant ... je n'y arrive pas"
- "je suis femme au foyer ... je n'y arrive pas"
- "je suis lycéen ... je n'y arrive pas"
- "je suis enseignante ... je n'y arrive pas"
- "je suis employé chez ED l'épicier ... je n'y arrive pas"
- "je suis ouvrier chez Airbus ... je n'y arrive pas"
- "je suis éboueur à la ville de paris ... je n'y arrive pas"
- "je suis infirmière ... je n'y arrive pas"
- "je suis à la chaine chez Renault ... je n'y arrive pas"
- "je suis fonctionnaire ... je n'y arrive pas"
- "je suis chasseur de bellette sandrée ... je n'y arrive pas"
- "je suis journaliste au figaro ... je n'y arrive pas"
- "je suis collecteurs de parrainages ... je n'y arrive pas"
- "je suis vert chez voynet ... je n'y arrive pas"

2 heures terribles. Je m'enfonçais question après question dans le canapé. Je touchais terre. A la fin je rampais. J'avais mal au dos et dans tout le corps. Ce pays semblait nécessiter une immense cellule psychologique. Ce panel représentatif suintait la peur de l'avenir, du présent. Il exprimait son angoisse. Il souffrait. Une spirale dépressive. On était pas sur la Harley du Johnny mais bien sur les récifs.

Le nauffrage français était là. Elle s'en sortait bien. Elle avait compris que le pays décrochait inlassablement et s'enfonçait dans les grandes profondeurs de la loose avec son cortège habituel de votes xénophobes, protestataires et son abstention record. Ce soir là, Ségolène avait battu tous les records. Ils avaient besoin d'elle pour espérer s'en sortir. Elle avait besoin d'eux.

Le lendemain. Une journée normale. Un jour comme un autre.
« Tu t’appelles Abdel ? Mon vieux, tu devrais changer de prénom, ce serait plus facile… »
« Des gens comme vous, monsieur, on n’en a pas besoin… »
« Vous êtes trop ambitieux, trop performant, ici, on aime pas ça, on préfère les médiocres, les benêts, vous ne trouverez jamais d’emploi… »

Un entretien, puis un autre, et un autre, des recruteurs hypocrites, j'avais encore et encore dû montrer patte blanche. C'est d'ailleurs en France, que la gamme des crèmes détergeantes qui sert à blanchir la peau de Mickael Jackson s'arrache le plus. J'ai compris.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je m'appelle Juju, suis blond aux yeux bleus, bac+8 et expériences, et mes CV et mes entretiens se concluent aussi par des NON. Alors on est tous dans le même bateau.
http://jujulepigiste.over-blog.com

Anonyme a dit…

Bonne chance à toi Juju le pigiste et merci d'être passé.